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Un Docteur, un Homme, une Collection

Si vous deviez me demander (je viens d’ailleurs de poser la question en votre nom!) s’il se trouve un endroit où l’amour aurait élu domicile, je vous répondrai sans détour qu’il s’agit évidemment du cœur. Le cœur, depuis des milliers d’années, est le symbole incontournable de l’amour dans la culture mondiale. Néanmoins, la rencontre du cœur avec l’amour, et sa transformation en un organe capable d’émettre des sentiments, (ne se bornant plus uniquement à pomper votre sang), est due à une intervention extérieure. C’est ainsi qu’Éros, le dieu de l’Amour, ne trouvant certainement rien d’autre de bien intéressant à faire, viendra par le plus pur des hasards vous décocher soudainement une flèche, qui vous atteindra en plein milieu du cœur. Vous serez dorénavant amoureux!

Quant à l’amour (ce même amour qui se transforme selon les individus en bénédiction ou en malédiction!), et depuis qu’Adam et Ève ont croqué la pomme leur permettant d’accéder à la connaissance, et surtout à la conscience de cette connaissance; il permet à l’homme soit d’atteindre les sommets - et même d’approcher le seuil où se reflètent les premiers souffles mystiques -, soit de se morfondre en déchirures et souffrances telles, que les pires tortures moyenâgeuses ne seraient à leurs côtés que purs délices! Tout comme le lion, qui était le roi des animaux dans les bandes dessinées de mon enfance, le cœur est le maître absolu de nos organes. Même si sa plus grande libération (ou sa plus grande servitude) consiste en l’amour, le cœur n’est pas à l’abri de mille et un autres dangers qui l’attendent au tournant. Et si jamais il devait ne pas y résister et commencer à avoir des ratés, son seul réparateur agréé sera un cardiologue. Tout comme Demir Fıtrat Onger!

C’est un dur métier que de devenir médecin. Vous devez tout d’abord étudier pendant dix ans. Et quand vous pourrez enfin ouvrir votre propre cabinet, après avoir travaillé comme un forçat (ce qui vous permettra d’avoir un aperçu de ce que fut leur vie à l’époque du bagne!), vos jours seront probablement comme vos nuits, c’est-à-dire sans répit aucun! Il y aura de grandes chances pour que votre femme vous déteste. Vous finirez par comprendre d’une manière intime le sens de l’expression « ne pas avoir une minute à soi ». Demir, comme si la charge que représente l’exercice de la médecine ne lui suffisait pas, a préféré réaliser de surcroît un miracle sur lui-même en se multipliant(!), à l’instar de Jésus, qui, il y a plus de 2000 ans (du moins selon le scénario officiel), se livra à la multiplication des pains! Car nous avons là un docteur, et un excellent docteur ; un collectionneur, et un excellent collectionneur ; et un homme de culture, et même un homme de culture hors normes.

Ce qui poussa Demir à s’attacher, à s’ancrer à la culture fut de voir à quel point la Turquie pouvait être orpheline en France. Comme il le dit volontiers, chaque pays a des aspects positifs et des aspects négatifs, des pages blanches, grises et noires. Ce qui compte est de voir quelle est la couleur dominante, le patrimoine ou encore l’apport à la culture mondiale. Réagissant à ce que la Turquie soit présentée non pas seulement en noir et blanc, mais parfois (et parfois très souvent!) uniquement en noir et noir, Demir prit un beau jour la décision d’y apporter une réponse personnelle. Quand l’image d’un pays est forte, il n’est pas rare de voir « qu’un seul événement positif efface mille côtés négatifs ». Quand le pays est faible, au contraire, « un seul événement négatif efface mille côtés positifs ». Et la Turquie, du moins en France, a souvent eu cette image faible. Ne pouvant supporter que la Turquie soit toujours évaluée négativement au travers d’une loupe déformante, Demir ouvrit donc le Centre Culturel Anatolie en 1984, et démontra, au travers de centaines d’expositions et de conférences qu’il organisa notamment avec l’aide de sa femme Françoise, qu’il n’entendait pas rester les bras croisés face à cette dérive.

Ses liens avec l’art, qui l’ont poussé plus tard à devenir collectionneur, remontent quant à eux à sa petite enfance. Il commença à peindre, à un âge où il ne savait même pas où se trouvait son propre cœur. Son pharmacien de père sut mettre un frein à cette dangereuse « tentation », et remit Demir sur les voies des professions familiales! On doit néanmoins; tout compte fait, lui en être gré. C’est grâce à cela que Demir soigna chaque année des centaines, des milliers de patients, et constitua une porte de secours essentielle pour un grand nombre de malades turcs qui n’auraient pas su autrement où s’adresser. Demir finit quand même par remettre à l’ordre du jour son penchant enfoui pour l’art, en tissant des liens privilégiés avec les artistes turcs de l’École de Paris et en collectionnant leurs œuvres.

Cette collection, centrée autour de Selim Turan, Hakkı Anlı et de Mübin Orhon, a pu faire l’objet de ce livre grâce à l’appui et l’intérêt d’Ahmet et d’Ayşe Utku.

Les Peintres du Docteur, même s’ils ont depuis longtemps quitté les cafés parisiens et le 14e arrondissement où ils habitaient et travaillaient pour se rendre vers d’autres cieux, continueront à occuper la place qu’ils méritent dans l’histoire de la peinture abstraite turque et mondiale, au travers de leurs œuvres, qui leur permettent ainsi, pour très longtemps encore, de rester vivants.

Kerem TOPUZ

Vous pouvez avoir accès à l’intégralité des pages du livre en cliquant sur le lien ci-dessous :

http://www.akerart.com/un-docteur-un-homme-une-collection.pdf

 
     
     
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