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UN FRANÇAIS ÉPRIS D’ISTANBUL
1928 – 1959

MAURICE AUGER
(1897-1977)

Maurice Auger est né à La Rochelle, le 21 novembre 1897.

C’est en mai 1928 qu’une proposition émanant de l’un de ses supérieurs, Pierre Rodier, allait changer le cours de son existence pour les 30 ans à venir. Ce dernier lui demandait alors d’accepter de devenir chef du personnel de l’usine à gaz d’Istanbul, installée dans le quartier de Dolmabahçe.

De juillet 1928 jusqu’en mars 1959, Maurice Auger allait ainsi successivement assumer les fonctions de chef de fabrication et ingénieur à la Société du Gaz d’Istanbul; de directeur des travaux à l’occasion de la construction de la nouvelle usine à gaz, sur les hauteurs de la Corne d’or; et enfin de directeur de la société Intena.

La découverte d’Istanbul permettra surtout à Maurice Auger, dès son arrivée en 1928, d’y développer deux de ses passions, celles de la photographie et de l’histoire. Photographe amateur de talent, qui développait lui-même ses clichés, et passionné d’histoire, il fut immédiatement subjugué par l’exceptionnel patrimoine grec, byzantin et ottoman de la ville. Il se lia d’amitié avec nombre d’intellectuels turcs, dont Cahide Aksel, première femme  architecte en charge des monuments historiques turcs (et dont le peintre İbrahim Çallı allait exécuter un très beau portrait),  et Hadi Tamer, son époux  chimiste, professeur, conservateur des faïences du palais de Topkapi ; Rüstem Duyuran, Muzaffer Ramazanoğlu, qui s’occupèrent de longues années durant de la restauration de Sainte Sophie; les pères de St Benoît, le professeur  Paul Underwood (byzantinologue américain de grande réputation, restaurateur des mosaïques de la « Déisis » )…

Retraité avec le titre d’ingénieur EDF, Maurice Auger allait également avoir droit à une seconde retraite octroyée par le gouvernement turc pour services rendus au pays.

De retour en France au printemps 1959, c’est presque naturellement que Maurice Auger allait s’installer près de la mer, à Toulon. Ayant gardé de nombreux liens avec les officiers de marine, dont ceux du bateau école Jeanne d’Arc, qui s’était rendu à Istanbul à de très nombreuses reprises, il travailla bénévolement à l’arsenal de Toulon, sur les Turcs faits prisonniers en mer et qui ramèrent sur les galères du Roi (alors que les Chrétiens, juste retour des choses, ramaient  sur les galères du Sultan!). De 1959 jusqu’à son décès en 1977, année où il allait être nommé Chevalier de l’Ordre national du Mérite, Maurice Auger allait occuper une grande partie de son temps libre à mettre en ordre tous les renseignements récoltés durant son long séjour à Istanbul: 26 classeurs allaient voir le jour, avec la situation précise de chaque monument, accompagnée d’une documentation photographique et des renseignements historiques afférents; classeurs auxquels il faut également ajouter une encyclopédie turque en 13 tomes (8 volumes pour la Turquie et 4 pour les œuvres byzantines); une bibliographie reprenant la liste des sites historiques concernés, ainsi qu’un volumineux plan millimétré de la ville d’Istanbul, avec la situation de chaque monument, indiqué sur la carte d’une couleur différente selon son appartenance byzantine, juive, catholique ou musulmane.

Cet énorme travail, qui ne fut effectué que pour répondre à une passion personnelle, sans aucune attente de reconnaissance, a pu être préservé grâce à la fille de Maurice Auger, Madame Paule Perrenot. C’est sans aucune hésitation qu’elle accepta ma proposition d’envoyer ces archives à Istanbul, où elles serviront de base de données et de recherche aux nombreuses institutions culturelles francophones qui existent désormais en Turquie.

Maurice Auger fut très certainement l’un des témoins de la transformation d’Istanbul, qui, entre 1925 et 1960, abandonna définitivement son identité « orientaliste », mystique et mystérieuse, pour se transformer peu à peu en la gigantesque mégapole qu’elle est aujourd’hui devenue. Cette ville, qui envoûta plus d’un voyageur européen, devint ainsi la seconde patrie de Maurice Auger, qui adorait notamment un poème d’Henri de Régnier, écrit en 1906, qui symbolise à merveille la Turquie de Pierre Loti:

Peut-être si j’avais choisi mon temps où vivre,
Eussè-je grave et doux, vieilli sous le turban,
Et ma vie eu passé ses jours calmes à suivre
L’ombre du cyprès noir et du minaret blanc.

Dans la fraîche mosquée où les fleurs sont peintes
Sur la faïence lisse autour du nom d’Allah,
J’aurais, les yeux levés vers les lampes éteintes,
Attendu qu’Azraél à mon tour m’appelât.

A la fontaine pure où coule une onde claire,
J’aurais lavé mes pieds, mon visage et mes mains,
Et prosterné mon corps au tapis de prière,
Chaque fois qu’au ciel bleu chantent les muezzins.

Et sur la Corne d’Or par la nuit étoilée,
Mon caïque eut fendu le flot pareil aux cieux,
Et ma femme pour tous jalousement voilée
N’eut montré qu’à moi seul les astres de ses yeux.

Ainsi j’aurai vécu dans ma demeure close,
Mêlant à la senteur en feu du tabac fin
Le parfum du santal et l’odeur de la rose,
Sous quelque vieux Sultan au nom sonore et saint.

Et dans le cimetière où se pressent les tombes,
Harmonieusement et du haut des cyprès,
La voix des rossignols et la voix des colombes
Auraient bercé là-bas mon sommeil sans regrets.

Mais qu’importe sa vie à qui peut par son rêve
Disposer de l’espace et disposer du temps,
Qu’importe, puisque j’ai d’une illusion brève
Satisfait à jamais mon désir d’un instant.

Et qu’à travers Stamboul et dans la verte Brousse,
J’ai ressenti l’attrait du pays musulman,
Où s’allonge le soir sur la terre âpre et douce
L’ombre du cyprès noir et du minaret blanc…

Henri de Régnier, « le Souhait », 1906

 

Les photographies de Maurice Auger feront l’objet, dans les mois à venir d’une exposition et de l’édition d’un livre. Aucun projet n’ayant été encore finalisé, toute proposition sera la bienvenue.
Vous pouvez consulter une maquette complète du livre, encore à l’état d’ébauche, en cliquant sur le lien ci-dessous :


http://fr.calameo.com/read/001332612fa22acc00cfd

 

Kerem Topuz

 

 

 

 
     
     
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